Lyon – Turin, traversées alpines : pour des infrastructures adaptées aux besoins
Alors que François Hollande et Mario Monti se rencontrent à Lyon, lundi 3 décembre, pour un énième sommet « décisif » sur le projet « Lyon – Turin », les représentants des mouvements écologistes français, italiens et suisses étaient réunis vendredi à Lyon pour répéter qu’ils jugent la construction d’un tunnel international supplémentaire de 57 km prédatrice d’espace, d’énergie et de deniers publics, disproportionnée face aux besoins présents et basée sur des prévisions irréalistes.
Les écologistes plaident au contraire pour la mise en œuvre immédiate d’une politique d’ensemble en faveur du report modal, avec notamment une éco-redevance poids lourds et des investissements sur les liaisons ferroviaires existantes.
En France, en Italie et en Suisse, les écologistes défendent un principe simple : ferroviaires ou pas, les infrastructures nouvelles sont prédatrices d’espace, d’énergie, et de deniers publics. Elles doivent être proportionnées aux besoins présents et raisonnablement estimables à l’avenir.
Or, le « Lyon – Turin » est basé sur des projections de trafic extravagantes : aux passages du Mont Blanc et du Fréjus, 23,6 millions de tonnes de marchandises ont transité en 2011, un volume qui stagne depuis vingt ans, voire diminue. Comment les promoteurs du projet peuvent-ils prévoir un doublement des flux d’ici 2035 et un quadruplement d’ici 2050, avec toujours plus de camions ?
« Arrêtons de tout miser sur un tunnel fétiche d’après-demain ! Remplissons immédiatement les trains et les tunnels existants », souhaite Jean-Charles Kohlhaas, conseiller régional en Rhône-Alpes.
Car le tunnel actuel du Mont Cenis permet d’ores et déjà un report modal important. Ouvert au grand gabarit depuis le 1er mai 2012 après un investissement de près d’un milliard d’euros, il offre une capacité de l’ordre de 20 millions de tonnes de marchandises par an. En 2011 il n’a accueilli que 3,4 millions de tonnes. Dans ces conditions, la construction d’un second tunnel n’est vraiment pas prioritaire.
Plus long que le tunnel sous la Manche, ce projet n’est d’ailleurs pas financé, comme l’a souligné la Cour des comptes. Avec les 10 milliards d’euros qu’il en coûterait, les écologistes proposent de mettre à niveau l’offre ferroviaire en répondant aux besoins les plus criants :
• entre Lyon et le sillon alpin, développement d’un itinéraire fret et voyageurs à haut niveau de service, amélioration des liaisons Lyon – Chambéry (dont 43 km sont encore à voie unique !) et Lyon – Grenoble ; amélioration simultanée du sillon alpin Nord
• amélioration de la liaison Turin – Suse, contournements de Lyon et Turin
• création de plateformes fret intermodales, connectées aux grands axes ferroviaires et aux zones d’activités logistiques
• simplification des services fret (équipage unique, coordination transfrontalière…)
• dispositifs de protection des populations des villes et des vallées contre les risques et nuisances (pollutions, accidents, bruit…)
• poursuite du développement de l’offre TER, création de services tram-train, tramway et bus à haut niveau de service autour des villes de l’arc alpin
Dans le même temps, si l’on souhaite vraiment que le transport de marchandises à travers les Alpes se reporte sur le rail, pourquoi ne pas mettre en place tout de suite une éco-redevance sur le fret routier ? Cette redevance, qui existe déjà en Suisse à un niveau conséquent, permettrait de financer des infrastructures alternatives à la route, mais aussi d’assurer leur attractivité, en rétablissant la vérité des coûts du transport routier.
Pascal DURAND, secrétaire national d’EELV, était présent aujourd’hui à Lyon pour porter ces positions aux côtés notamment de Monica Frassoni, Malika Benarab-Attou, des représentants des Verts suisses et italiens.
Elise LOWY, Jean-Philippe MAGNEN, Porte-parole