Le dogme de la croissance matérielle n’est plus tenable
La charge de la Royal Society contre la société de consommation
Le dogme de la croissance matérielle n’est plus tenable et contribue aux inégalités dans le monde. A quelques semaines du sommet Rio+20, l’académie des sciences britannique appelle à surmonter les égoïsmes nationaux pour contribuer au bien-être à l’échelle mondiale.
La très sérieuse Royal Society prend à son tour position contre l’obsession de la croissance à tout prix. Dans un rapport sur « la population et la planète », publié le 25 avril, l’académie des sciences britannique s’inquiète de l’accroissement de la population et de la consommation matérielle… et de leurs conséquences sur le bien-être humain et l’environnement, sur une planète finie.
Voulons-nous un monde plus juste ? Si oui, il faut permettre à 1,3 milliards de personnes de sortir de la grande pauvreté, soulignent la vingtaine de scientifiques qui ont planché pendant près de deux ans sur ce rapport. Et pour parvenir à ce monde plus équitable, « la consommation à outrance doit être réduite de toute urgence » dans les pays les plus riches, insistent les scientifiques.
Car la planète ne peut supporter le niveau de consommation matérielle qui est celui du monde développé. D’autant que c’est cette course à la consommation qui conduit aux plus grandes inégalités, souligne John Sulston. Le prix Nobel 2002 de médecine, qui a dirigé l’équipe de rédaction du rapport, rappelle par exemple : « un enfant du monde développé utilise 50 à 60 fois plus d’eau qu’un enfant du monde en développement ».
Le PIB, facteur de compétition
Pour faire face aux enjeux futurs, la Royal Society dresse une liste de recommandations. L’une des lignes fortes, c’est la nécessité de repenser ce qui fait la croissance. « Pour l’heure, la consommation est étroitement liée à des modèles économiques basés sur la croissance », souligne le rapport. Mais une telle manière de voir néglige le bien-être. D’où cette charge sans concession : le PIB, produit intérieur brut, est « un pauvre instrument de mesure du bien-être social et ne prend pas en compte le capital naturel. Par le passé, il s’est avéré attractif pour les décideurs, car il réduit plusieurs sujets complexes à un chiffre simple qui peut être comparé entre pays. Il est aussi une arme stratégique dans un monde où les nations sont en compétition pour jouer un rôle économique et politique – souvent au détriment du bien-être futur ».
Cette quête de la croissance encourage donc la compétition entre États, sur l’air de « mon PIB est plus gros que le tien », au détriment de l’équilibre global. Au contraire, « le bien-être peut s’améliorer sans croissance du PIB », rappellent les scientifiques (ce que faisait déjà en 2010 le Pnud, programme des Nations Unies pour le développement). D’où la nécessité de « développer des systèmes et institutions socio-économiques qui ne sont pas dépendants d’une croissance continue de la consommation matérielle. »
Comme d’autres organismes avant elle, la Royal Society entend que ce message soit l’un des éléments-clé de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable (Rio+20) qui se tiendra au mois de juin à Rio de Janeiro. Ainsi concluent les scientifiques : « Nous appelons tous les gouvernements à (…) s’engager pour un avenir plus juste, basé non pas sur la croissance de la consommation matérielle pour leurs propres nations, mais sur les besoins d’une communauté globale, à la fois pour le présent et l’avenir ».
Autre grande piste développée dans le rapport : la nécessité de stabiliser la population mondiale, qui a atteint l’an dernier 7 milliards d’individus et pourrait atteindre 9 milliards en 2050. Stabiliser, « en aucun cas par la contrainte », mais en élargissant l’accès aux méthodes de planning familial. L’UNFPA (Fonds des Nations Unies pour la population ) rappelait récemment que, selon une étude menée dans 4 pays sub-sahariens, plus de 60% des adolescents et adolescentes ignoraient comment éviter une grossesse. Dans la même optique, « l’éducation jouera un rôle important », insiste la Royal Society. Ce que soulignait aussi l’ONU un an plus tôt, en mettant l’accent sur l’éducation des filles. |
Pour aller plus loin (documents en anglais) :