Eva Joly répond à Candidats.fr
Nous, écologistes, souhaitons mettre en œuvre la transformation écologique de la société. Depuis plus de 25 ans nous proposons donc de remettre en question les différentes formes de production, de travail et de consommation.
La transformation numérique de la société porte en elle une part importante de la réponse, tant elle touche aux fondamentaux de nos relations aux objets, aux idées, à la création et l’innovation, à notre vie privée et à l’organisation sociale, y compris dans le rapport au travail ou à l’activité.
Il s’agit là d’un enjeu politique majeur de ce siècle. En France comme au Parlement européen nous dessinons par nos prises de position constantes sur ACTA, Hadopi, IPRED, LOPPSI ou DADVSI, ce qu’est la parole écologiste face à un discours visant à établir une économie de rente et de surveillance.
Il importe de redéfinir un environnement légal stable à l’ère du numérique, qui ne soit pas porté par la seule défense des intérêts de quelques multinationales, mais permette l’émergence d’un tissu d’entreprises et d’organisations de toutes sortes favorable à l’innovation, à la création, à la transformation numérique. Les logiciels libres et les standards ouverts sont une condition nécessaire à cette transformation sociale et culturelle, afin que l’innovation profite à tous et ne soit pas accaparée par des multinationales avides d’évoluer dans une économie de rente.
Comme nous luttons pour que l’autosuffisance alimentaire se fasse sans que les paysans ne se retrouvent soumis aux semenciers ou aux producteurs de pesticides, par les OGM ou des brevets sur le vivant, comme nous luttons pour que l’accès aux soins ne dépende pas des portefeuilles de brevets des multinationales, nous pensons que la transformation numérique ne pourra profiter à tous qu’à condition qu’elle soit libre.
Eva Joly
Depuis 2007, la situation a peu ou mal évolué pour le logiciel libre et les standards ouverts, tandis que l’engagement des écologistes en leur faveur ne s’est pas démenti. Pour cette raison, je me suis permis de répondre à certaines questions en reprenant les éléments apportés par Dominique Voynet dans sa réponse au questionnaire candidats.fr de 2007. Dans ce cas, le passage est indiqué par « DV2007 ».
Cahier 1 : Brevetabilité
Principe de non-brevetabilité des logiciels
Question 1.a : « Considérez-vous que l’Office européen des brevets (OEB) et l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) délivrent des brevets sur des logiciels et des méthodes intellectuelles ? »
Bien que la brevetabilité des logiciels et des méthodes intellectuelles, mathématiques ou autres soit interdite par l’article 52 de la convention sur le brevet européen, l’Office européen accorde de tels brevets depuis la fin des années 1980. Plusieurs dizaines de milliers ont ainsi été délivrés. Plusieurs tentatives ont été menées pour légaliser cette pratique et supprimer les exclusions à la brevetabilité prévues par la convention. La dernière portée par la Direction générale du Marché intérieur de la Commission européenne (dans le cadre de la « directive Bolkestein » ou « directive services ») a été retoquée en juillet 2005 par le Parlement européen.
Dès l’introduction de cette directive en 2002, le Groupe des Verts/ALE au Parlement a clairement pris position sur le sujet et voulu « se saisir de l’occasion fournie par cette directive pour questionner la pratique de l’Office européen des brevets (OEB) qui accorde illégalement des brevets logiciels depuis 1986 et en engrange les bénéfices ». (cf. http://archive.greens-efa.eu/cms/topics/dok/104/104008.brevets_logiciels@en.htm). En dépit du veto du Parlement ces pratiques se poursuivent.
Des négociations récentes sur la mise en place d’un brevet unitaire européen menées au pas de charge sous la pression de plusieurs pays comme la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni n’ont pas permis de remettre en cause le fonctionnement de l’OEB. Il s’agit là d’une occasion manquée de remettre la question des brevets dans le champ démocratique.
Question 1.b : « Pensez-vous qu’il soit nécessaire de légiférer pour consacrer ces pratiques ou au contraire les empêcher ? »
Il existe un cadre légal, la convention sur le brevet de 1973. Les pratiques de l’OEB sont illégales. Il s’agit de faire respecter la loi. Un mode de contrôle démocratique de l’OEB doit être mis en place. Par ailleurs, il faudrait que le règlement sur le brevet unitaire précise sans détour que les logiciels ne sont pas brevetables. Pour le moment la plupart des membres du Conseil (à part quelques uns comme l’Espagne) sont obnubilés par l’objectif de mettre en place au plus vite le brevet unitaire, sans s’occuper de ce qui leur paraît être des détails parce qu’après 50 ans de discussions sur ce projet de brevet européen ils veulent pouvoir montrer qu’ils l’ont fait avant les prochaines élections européennes. Résultat on bâcle le travail et laisse le champ libre à l’OEB pour poursuivre ses pratiques. En l’état, la seule mesure possible reste le recours devant les tribunaux au cas par cas pour infirmer les brevets accordés, et ça n’est pas acceptable. Le prochain gouvernement français doit absolument s’emparer de cette question. Et nous devons tous être prêts à nous faire entendre sur le sujet, parce que de fait la mise en place du brevet unitaire qui est imminente doit permettre de remettre le sujet sur la table. Cette question sera l’un des enjeux pour nous de la prochaine campagne européenne (avec d’autres sujets problématiques dans le domaine du brevet comme la brevetabilité du vivant).
État du système européen des brevets
Question 1.c : « Partagez-vous le constat que l’OEB et l’INPI se comportent actuellement comme des organisations à but lucratif ? »
L’OEB des brevets se finance sur les brevets qu’il délivre. Il a donc tout intérêt à en délivrer un maximum. D’une façon générale les offices de brevets fonctionnent dans une logique de secteur privé. C’est une vraie perversion du système. Les législations sur la brevetabilité sont là pour permettre un équilibre entre intérêt public et monopole, mais les offices des brevets suivent une toute autre logique. Plus ils donnent de brevets, plus ils s’enrichissent, plus ils se présentent comme efficaces et compétents. Ceci se traduit à différents niveaux, on le voit. L’OEB est laxiste sur l’octroi des brevets, n’applique pas les critères de brevetabilité et en accorde qu’il devrait refuser au regard de la loi. Il est fait campagne pour la promotion des brevets comme si donner des brevets en soit était positif – or du point de vue du domaine public mais aussi du développement industriel et de la recherche, c’est une absurdité, et de nombreux secteurs sont de plus en plus étranglés par la prolifération de milliers de brevets qui asphyxie la recherche. Sans compter que l’OEB fait du lobby au niveau politique pour faire modifier les législations afin de pouvoir légalement accorder encore plus de brevets. Un contrôle public et démocratique de cette institution est indispensable pour mettre un terme à cette dérive.
Question 1.d : « Partagez-vous le constat que le système des brevets en Europe et en France ne garantit plus l’équilibre entre les détenteurs de brevets et la société dans son ensemble, ni entre gros et petits détenteurs de brevets ? »
Tout à fait. La pratique de l’OEB favorise les grandes firmes, dont beaucoup ne sont pas européennes, qui ont de très gros portefeuilles de brevets et aussi les moyens financiers de se défendre devant les tribunaux en cas de litige. Les petites et moyennes entreprises sont perdantes dans ce jeu. Pourtant, dans de nombreux secteurs, en France et en Europe, ce sont les acteurs les plus innovants et ceux qui représentent le plus d’emploi.
Par ailleurs, il n’y a aucune réflexion sur l’intérêt pour la société dans son ensemble.
Le système de brevets actuel, loin d’inciter à l’innovation ainsi qu’il avait été originellement établi, encourage bien plus une utilisation stratégique des brevets. On assiste ainsi à l’accroissement exponentiel du nombre de demandes de brevets par euro investi dans la recherche et le développement et, d’autre part, à la dégradation de la valeur capturée par le brevet, comparée à d’autres mécanismes (secret, entrée rapide sur le marché). De nos jours, un brevet isolé est rarement valorisé. Ce qui a de la valeur, ce sont les portefeuilles de brevets. Ils permettent d’imposer la domination d’une firme dans un secteur et de bloquer ses compétiteurs.
Certaines entreprises, ne produisant aucun autre bien ou service, ont fait de l’application des brevets leur objectif d’affaires exclusif, elles vivent du commerce des brevets.
Ainsi, les dérives du système de brevets l’ont progressivement conduit à s’écarter de sa mission de promotion de l’innovation au bénéfice de la société dans son ensemble, pour ne plus servir qu’un nombre restreint d’intérêts particuliers.
Question 1.e : « Pensez-vous que la législation et les règles de procédures relatives aux brevets doivent être contrôlées par les organes législatifs élus ? »
Oui cela est indispensable.
Il est stupéfiant de voir qu’en France tout ce qui touche à la législation sur le brevet est préparé, rédigé, décidé par ceux-là même qui sont concernés par cette législation. Ce n’est pas le ministre de l’industrie ou celui des affaires européennes qui décide de la position de la France et qui prend la parole dans les réunions, c’est le représentant de l’INPI !
Est-ce à l’INPI de décider s’il est normal que notre système de santé publique soit affecté par des coûts et des orientations liés en grande partie aux brevets détenus par les firmes pharmaceutiques ? S’il est normal que nos paysans soient enfermés dans une logique de dépendance à cause de brevets sur les semences ? S’il est normal de menacer la biodiversité à l’échelle planétaire en raison de brevets sur les espèces végétales ? S’il est normal que la recherche sur le séquençage du génome soit entravée par des brevets sur les gènes ? Et à une époque où de plus en plus de nos activités économiques et sociales deviennent informatisées, est-il normal que des brevets sur des logiciels en permettent l’appropriation ?
L’OEB pourrait être associé au débat, mais il est absolument anormal que les réponses à ces questions soient apportées unilatéralement par les offices de brevets. Ces questions sont éminemment politiques. Elles ont des conséquences non seulement économiques mais aussi sur la vie de nos concitoyens.
Alors oui, les offices de brevets doivent être contrôlés et se conformer aux choix démocratiquement décidés par les représentants des citoyens.
Le brevet unitaire
Question 1.f : « Êtes-vous favorable au projet de règlement sur le brevet unitaire tel que proposé par le Commission européenne en 2011 ? »
Le projet tel que proposé va à l’encontre des évolutions que nous souhaitons, tant en termes de gouvernance de l’office qu’en ce qui concerne l’étendue du champ de la brevetabilité. Nous nous y opposons donc fermement.
Les conditions particulièrement opaques de son élaboration y sont pour beaucoup, et rien ne permet d’envisager d’amélioration des choses tant que ce sujet ne sera pas remis dans le champ du débat démocratique.
Question 1.g : « Pensez-vous que le droit matériel des brevets doit être incorporé dans le droit de l’Union européenne ? »
Oui. L’incorporation du droit matériel des brevets au niveau européen permettrait une plus grande harmonisation entre les pays, et une diminution des coûts pour les déposants. Cela permettrait en particulier aux PME de protéger plus efficacement leurs innovations face aux grands groupes. Mais, une fois de plus, cela ne vaut que si un véritable débat démocratique a lieu en amont de la modification du droit européen et pas par l’imposition de nouveaux textes façon Far West par la Commission européen et certains membres du Conseil.
Question 1.h : « Êtes-vous favorable à la création d’une Cour des brevets hors du contrôle juridictionnel de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ? »
Non nous n’y sommes pas favorable. La mission des offices des brevets doit être recadrée. Elle doit l’être politiquement, par les instances représentant les citoyens. En cas de litige sur un ou plusieurs brevets, le conflit doit être soumis à un processus judiciaire normal dans le cadre judicaire général. Ceci permet d’assurer un équilibre entre l’exercice de différents types de droits : par exemple, entre le droit des brevets et le droit de la concurrence, ou les droits et libertés fondamentaux. Ce qu’une juridiction spécialisée ne serait pas à même de faire.
La Cour européenne de justice a déjà la possibilité de faire cela (elle l’a d’ailleurs fait récemment en interdisant de breveter à des fins scientifiques un procédé utilisant un embryon humain en octobre 2011,).
Avenir du système de brevet
Question 1.i : « Êtes-vous favorable à un principe de pollueur/payeur où, lorsqu’une revendication de brevet se révélerait invalide, on serait autorisé à percevoir une compensation de la part du détenteur du brevet ? »
Oui tout à fait. Il ne s’agit pas en effet de laisser libre cours au dogme de la concurrence libre et non faussée. Il s’agit de définir clairement les règles du jeu. Aujourd’hui les règles ont été bafouées et le jeu en devenant déloyal a des conséquences qui vont à l’encontre des principes à l’origine des brevets et sont destructrices. Le système des brevets, en oubliant sa mission d’encouragement de l’innovation au service de la société dans son ensemble, se discrédite de plus en plus. Il s’agit donc de revenir aux sources et d’encourager les véritables innovateurs, en pénalisant les demandes qui ne méritent pas d’être brevetées.
Cahier 2 : interopérabilité
Question 2.a : Êtes-vous favorable à un droit à l’interopérabilité reconnaissant à tout citoyen le droit de concevoir et de divulguer, sous quelque forme que ce soit et dans les conditions de son choix, un logiciel original capable d’interopérer avec un autre système quel qu’il soit ?
Comme nous l’avons défendu à l’époque à l’Assemblée nationale durant les débats du projet de loi DADVSI (par la voix de Martine Billard alors députée Verte), l’interopérabilité est une condition primordiale au développement de la société de l’information et de la connaissance. Comme principe, l’interopérabilité ne peut être conditionnée à un paiement ou à la bonne volonté d’une instance bureaucratique, ou d’un éditeur de logiciels. C’est pourquoi je suis tout à fait favorable à faire de l’interopérabilité un véritable droit pour tout citoyen.
Question 2.b : Pensez-vous que la neutralité du Net (défini comme l’absence de discrimination sur le réseau en fonction de l’émetteur, du destinataire, de la nature des données ou du protocole utilisé) est un principe fondateur d’Internet auquel seule l’exception d’un règlement de difficultés temporaires et imprévisibles dans la gestion du réseau peut contrevenir ?
Oui. Nous proposons dans le projet d’EELV d’inscrire la neutralité du Net dans la loi. Il s’agit là en effet d’un principe fondateur, sans lequel Internet donnerait la priorité, dans son fonctionnement même, aux seules ambitions commerciales et financières, cessant instantanément d’être ce bien commun qu’il est, au service de la transformation de nos sociétés et de notre monde.
Question 2.c : Pensez-vous que la protection juridique des mesures techniques devrait s’appliquer sans préjudice d’un tel droit, et qu’une mesure technique s’opposant à la mise en œuvre effective de l’interopérabilité car ne reposant pas sur un standard ouvert devrait pouvoir être contournée ?
Oui.
Question 2.d : Pensez-vous que lorsqu’un éditeur a obligation de fournir les informations essentielles à l’interopérabilité, il ne devrait pas pouvoir poser d’autres conditions que le seul remboursement des frais de logistique engagés pour la mise à disposition de ces informations ?
DV2007 : Oui. Il ne faut pas que l’éditeur puisse soumettre la délivrance de ces informations à des licences abusives comme par exemple les licences de type RAND (« Reasonable And Non-Discriminatory »). Il est reconnu que ce type de licence n’est en fait profitable qu’aux grandes entreprises et catastrophiques pour les autres acteurs (PME…). Il ne faut pas permettre aux éditeurs de mesures techniques de mettre en place un droit de péage dans la société de l’information.
Question 2.e : Êtes-vous favorable à une loi énonçant les principes précédents ?
Oui.
Question 2.f : Êtes-vous favorable à la suppression des limitations du test en trois étapes que le législateur français a, inopportunément, inscrites dans le code de la propriété intellectuelle ?
DV2007 : Oui. L’inscription du test en trois étapes n’a rien à faire dans la loi, puisque c’est au législateur de l’interpréter, et non au juge.
Question 2.g: Êtes-vous en faveur d’une remise en cause du cadre européen d’interopérabilité ? Si oui, quelles modifications envisagez-vous ?
Comme le RGI français, l’European Interoperability Framework (EIF) doit être revu afin de ne faire référence qu’à des standards ouverts et non simplement « compatibles ». En l’état il ne peut être accepté puisqu’il désert ses buts affichés au seul profit des intérêts privés de firmes internationales.
Télévision connectée
Question 2.h : Quelles mesures envisagez-vous le cas échéant pour favoriser l’interopérabilité et/ou les standards ouverts pour la télévision connectée ?
La télévision connectée doit être considérée comme tout autre terminal informatique, et ne saurait servir à redéfinir un nouveau type d’appareils visant à enfermer l’utilisateur dans des usages contraints. Loin de l’avènement de la « convergence » annoncée de longue date, les promoteurs de la télévision connectée semblent y voir un moyen efficace de s’extraire de toute obligation d’ouverture pour reconstituer des marchés captifs de consommateurs.
Nous sommes pour cela favorables à la libre installation de logiciels au choix de l’utilisateur, ainsi qu’à l’obligation pour le constructeur de publier les indications techniques pour permettre le branchement de périphériques ainsi que la programmation de logiciels capables de fonctionner sur les télévisions connectées.
Cahier 3 : international
Réforme de l’OMPI
Question 3.a : Pensez-vous que la France devrait œuvrer activement, notamment à la Commission et dans les agences de l’ONU, à la réalisation des objectifs de la déclaration de Genève, et contribuer à l’adoption à l’OMPI d’un traité s’inspirant du « projet de traité pour l’accès à la connaissance et aux techniques », ou reprenant les propositions contenues dans l’accord de Paris ?
DV2007 : Oui. La communauté internationale doit repenser les buts et les mécanismes d’attribution de droits de contrôle exclusifs sur les différentes formes de connaissance. Il faut réorienter fondamentalement les missions et les actions de l’OMPI dont la culture a conduit à la mise en place et à l’expansion des privilèges de monopoles, souvent sans considération de leurs graves conséquences tant sociales qu’économiques. Il est grand temps de revoir tout le système si on veut éviter que de puissants monopoles privés confisquent toute la connaissance. Il faut favoriser le développement durable pour tous, dans le monde entier, par le libre-accès à la connaissance en valorisant le travail des auteurs et des innovateurs, et en repensant l’équilibre entre les intérêts de la société et les logiques de propriété.
Projet de traité international relatif à la radiodiffusion
Question 3.b : Pensez-vous que la France et l’Europe devraient demander à ce que le projet de traité sur la radio-diffusion en cours d’examen à l’ OMPI se concentre sur la protection du signal de radiodiffusion, objectif premier de ce traité, au lieu de créer de nouveaux droits pour les diffuseurs, y compris sur Internet, et d’étendre la protection juridique des mesures techniques ?
DV2007 : Oui. Il faut arrêter d’étendre la protection juridique des mesures techniques alors même que leurs effets négatifs sont de plus en plus flagrants.
La menace Acta et les projets SOPA et PIPA
Question 3.c : Êtes-vous opposé au projet d’accord international ACTA imposant aux États de sacraliser les DRM et de faire de leur contournement une exception soumise à la volonté des parties, en imposant des sanctions pénales au périmètre si flou qu’elles pourraient être vecteur d’une grande insécurité juridique?
Oui. Les DRM ont fait l’objet débats au niveau législatif et ne sauraient être sacralisés dans le cadre d’accords présentés comme commerciaux, en dehors de tout contrôle démocratique. Il s’agit là d’une énième tentative de réintroduction de logiques repoussées par les peuples et leurs représentants, et nous nous y opposons fermement et avec constance.
Leur proximité avec d’autres sujets au cœur de notre action, comme la défense des semences paysannes ou l’accès aux soins, nous rend plus que jamais déterminés à faire échec à ACTA.
Je vous invite à lire à ce sujet ma tribune publiée sur Slate.fr : http://www.slate.fr/tribune/51509/eva-joly-contre-acta-societe-partage
Question 3.d : Quelle est votre position sur les différents projets comme ACTA, SOPA et PIPA, qui visent à pousser le déploiement de contrôle et/ou filtrage privatisé d’Internet ?
La France s’est particulièrement illustrée ses dernières années sur le sujet, avec les lois LOPPSI, ARJEL ou HADOPI. Au nom de la lutte contre la pédophilie, les sites illégaux de paris en ligne, la défense du droit d’auteur, ou encore récemment contre le fanatisme religieux, des dispositifs de contrôle et/ou de filtrage sont systématiquement proposés comme toute réponse. A tel point que Reporter Sans Frontières classait la France en 2011 parmi les « ennemis d’Internet », au même titre que la Chine, l’Iran ou Cuba.
ACTA au niveau international, comme SOPA/PIPA dans les Etats-Unis d’Amérique du Nord, reprennent la même logique du filtrage comme seule réponse au changement de paradigme qu’induit Internet. Pire, ils tendent de plus en plus à se mettre en œuvre en évitant les processus démocratiques ! ACTA se présente comme un accord commercial, et fut à ce titre rédigé en secret jusqu’à ce que des versions du texte fuitent, puis que le Parlement Européen exige officiellement la communication du texte, à la demande des parlementaires Verts.
De l’autre côté de l’atlantique, PIPA/SOPA ayant été repoussés in-extremis face à la mobilisation citoyenne, leur dernier avatar se présente comme une Hadopi purement privée, accord entre majors du divertissement et fournisseurs d’accès internet, sans avoir besoin d’une quelconque onction démocratique pour entrer en vigueur !
D’autre part, la découverte de l’utilisation de technologies françaises pour surveiller la population sur Internet en Libye et en Syrie a mis en lumière la facilité d’accès aux technologies de filtrage et de contrôle sans aucune limite. Il est à craindre que les majors du divertissement utilisent à terme – si ce n’est déjà le cas – ce genre de technologies au nom de la préservation de leurs intérêts, et cela sans aucun encadrement de ces technologies hautement intrusives.
Ces offensives de plus en plus violentes, ainsi que ce glissement hors du contrôle citoyen, montre de toute évidence la volonté de puissance des multinationales face aux Etats. Elle appelle à une prise de conscience forte des enjeux de la part des citoyens, des responsables politiques nationaux, et une prise de parole résolue au niveau européen, seule échelle pertinente pour résister aux attaques en cours, comme l’ont montré les mobilisations européennes et mondiales contre ACTA.
Cahier 4 : MTP – DRM
Plus encore qu’il y a 5 ans (les réponses de Dominique Voynet en 2007 étant ci-dessous reproduites pour mémoire), on ne peut que constater d’une part la pression toujours plus prégnante des lobbies de l’industrie du divertissement pour imposer les DRM par tous moyens, d’autre part la constance avec laquelle la Commission européenne – tout autant que le gouvernement français – a persisté dans cette voie malgré les nombreuses oppositions, mais surtout à quel point cette solution s’est révélée – de façon prévisible – perverse et inefficace à développer une économie de la culture à l’ère du numérique.
C’est la raison pour laquelle je propose d’abroger la loi DADVSI, et que le groupe des Verts au Parlement Européen s’opposera encore une fois à la nouvelle réforme des directives IPRED, mais surtout ce pour quoi je défends la légalisation du partage non-marchand et la mise en place d’une contribution créative afin de soutenir la création.
Il ne s’agit pas d’empêcher l’avènement d’une économie numérique de la culture, mais d’en définir des contours compatibles avec l’accès aux savoirs, le fonctionnement d’internet et notre liberté de citoyens.
Au contraire, la logique qui sous-tend la mise en place forcenée des DRM, des directives IPRED, du traité ACTA, ou en France par DADVSI et Hadopi, tend à contraindre le fonctionnement d’internet, surveiller les usages des citoyens et limiter l’accès aux savoirs, pour favoriser une économie de rente au bénéfice de quelques multinationales
Il est grand temps que l’agenda politique s’inverse et que les propositions législatives soient pensées selon une autre logique. C’est à dire en partant du respect des libertés des citoyens et à partir de mécanismes qui encouragent véritablement l’innovation et la création et non pas une appropriation systématique irréfléchie.
Principe des DRM
Question 4.a : Depuis 1995, la Commission européenne encourage l’utilisation des DRM comme facteur de développement d’une économie de la culture à l’ère du numérique. Pensez-vous que cette stratégie soit pertinente ?
DV2007 : L’actualité et les débats lors de la loi DADVSI ont clairement montré que le recours aux dispositifs de contrôle de l’usage privé (les fameux DRM) conduit à une impasse. Très concrètement ces outils permettent le contrôle de l’usage privé de la culture numérisée au mépris même du fondement du droit d’auteur basé sur l’équilibre entre les droits des auteurs, ceux du public et les libertés individuelles. La fin justifie les moyens pour les multinationales, alors même que cette fin n’est autre que le maintien de leurs marges sur les produits et le contrôle du public. Je suis fortement opposée aux mesures techniques qui permettent le contrôle des internautes.
Question 4.b : En signant les traités WCT et WPPT en 1996, l’Europe a fait le choix d’un régime juridique encadrant le contournement des DRM. Pensez-vous que ce choix était judicieux
DV2007 : En verrouillant juridiquement les dispositifs de contrôle de l’usage privé (DRM) de la culture numérisée, les traités ACT et WPPT (dont la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (DADVSI) est l’héritière) remettent en cause l’équilibre entre les droits des auteurs, ceux du public et les libertés individuelles.
Cela porte également atteinte à la neutralité de la technique, à la responsabilité individuelle et introduit une présomption généralisée de culpabilité du public, sans apporter une réelle réponse à la question de la rémunération des auteurs et des artistes. Voire fait disparaître progressivement certaines rémunérations, comme par exemple celle de la redevance pour copie privée.
Régime juridique des DRM
Question 4.c : Partagez-vous le constat que la directive 2001/29CE pose plus de problèmes qu’elle n’en résout ? Si oui, quelle solution proposer à nos partenaires pour sortir de l’ornière ?
DV2007 : Clairement la directive 2001/29CE pose beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en résoud. Cette directive découle d’un traité de l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) signé en 1996. Avant même que n’apparaisse Napster et alors que l’Internet entrait à peine dans les foyers, les représentants internationaux se réunissaient pour obliger leurs états respectifs à « prévoir une protection juridique appropriée et des sanctions juridiques efficaces contre la neutralisation des mesures techniques de protection ». On était loin à l’époque d’imaginer tous les problèmes que poseraient les gestions de droits numériques protégés par ce traité. Entre 1996 et 2005, les problèmes posés par les nouveaux droits accordés aux producteurs ont été révélés au grand jour (voir les effets négatifs du Digital Millenium Copyright Act voté en 1998 au États-Unis) et les enjeux des traités de l’OMPI ont décuplé.
La Commission européenne a lancé une étude de révision de la directive, il faut en profiter pour repenser complètement une nouvelle directive européenne qui pourrait inspirer un futur traité international.
Question 4.d : Pensez-vous que, quoi qu’il en soit, il faut abroger rapidement le titre premier de la loi DADVSI ? Si oui, au regard des termes actuels du débat, quels seraient, selon vous, les axes majeurs qui devraient guider une nouvelle transposition ? Partagez-vous notamment l’idée que les dispositions existantes en droit français avant la loi DADVSI, telles que celles relatives à la contrefaçon, à la fraude informatique, à la concurrence déloyale et au parasitisme, offraient déjà un arsenal répressif suffisant et conforme aux obligations fixées par la directive (2) ?
DV2007 : Je pense qu’il faut revoir toute la loi DADVSI et à minima abroger le titre Ier de cette loi.
J’appelle à la tenue d’« Assises du numérique », qui permettront de reprendre un débat serein, de légiférer dans l’intérêt général, de tenir compte de la révision de la directive européenne actuellement en cours, pour aboutir à un texte dont chacun reconnaisse la légitimité.
La proposition d’un nouveau texte ne pourra cependant se faire qu’après un examen approfondi des conditions de rédaction du projet de loi DADVSI et, notamment, des rapports qu’entretiennent les fonctionnaires du ministère de la Culture avec les différents lobbies.
Question 4.e : Pensez-vous qu’il faille abroger les articles issus des amendements dits Vivendi qui n’étaient pas requis par la directive et ne plus y revenir ?
DV2007 : Oui, il faut abroger ces amendements scélérats issus du lobbying des industriels du disque, du film et du logiciel propriétaire. Ces amendement ont été portés par différents députés UMP, soutenu par le gouvernement et par Nicolas Sarkozy, président de l’UMP, qui souhaite sans doute « chasser » au karcher les logiciels de Peer to Peer.
Question 4.f : Quelle position comptez-vous adopter sur la réforme des directives IPRED au niveau européen ?
Un nouveau projet de directive va être envoyé au Parlement européen par la commission dans les mois qui viennent. Jusqu’ici, IPRED comme ACTA qui prétend combattre la contrefaçon organisée, non seulement ne font rien pour atteindre le but affiché, mais, et c’est encore plus grave, risquent de pénaliser des activités économiques tout à fait légales et de toucher les particuliers en définissant de manière vague le terme « échelle commerciale » censé limiter la portée de cette directive.
Nous attendons avec impatience la nouvelle mouture de la Commission et sommes curieux de voir si celle-ci entend les messages forts que la société essaie de faire passer ces dernières années, et notamment très récemment dans le cadre de l’opposition massive à ACTA.
Analyse critique des DRM
Question 4.f : Pensez- vous que la mention d’une condition de licéité de la source de la copie effectuée à titre privé doit être supprimée ?
Oui. Le contrôle de la licéité de la source n’étant possible que par la mise en place en amont de dispositifs de contrôle de l’usage privé (DRM), j’y suis opposée.
Question 4.g : Envisagez-vous des solutions alternatives sur la question de l’accès aux œuvres et à leur financement ? Si oui, lesquelles ?
[à ce sujet, je vous invite à lire la tribune « Pour une légalisation du partage non marchand sur Internet » http://evajoly2012.fr/2012/03/31/pour-une-legalisation-du-partage-non-marchand-sur-internet/]
Tout à fait. Nous avons avancé une proposition de nouveau contrat social qui repose sur 2 piliers (outre l’abrogation d’Hadopi, naturellement) : la légalisation du partage entre individus et la mise en place d’une contribution à la création. Ceci doit permettre de mettre un terme définitif à la logique de sanction du partage entre individus qui est aussi illégitime qu’inefficace pour lutter contre le commerce illégal d’œuvres protégées.
Par ailleurs, il est grand temps d’imposer une plus grande transparence sur le financement de la création et la répartition des recettes auprès des artistes. La contribution à la création s’appuiera ainsi non seulement sur les internautes (modulée en fonction de leurs moyens), mais aussi sur les fournisseurs d’accès et les diffuseurs de contenu. Au total c’est près d’un milliard d’euro qui seront ainsi alloués à la création, pour partie reversés de façon non linéaire en fonction des échanges observés de façon statistique et anonyme (Richard Stallman propose une répartition proportionnelle à la racine cubique des échanges), pour une part directement attribués au libre choix des internautes, la troisième part permettant le financement de projets créatifs innovants et le soutien des créateurs précaires.
Mais au-delà de cette contribution, d’autres leviers permettent de rééquilibrer l’accès aux œuvres et le financement de la création. Nous proposons ainsi de ramener la durée des droits d’auteurs à 30 ans, et nous étudions de près la question de la perception des taxes sur la copie privée à l’échelle européenne, ou encore la gouvernance des sociétés d’ayants droit, question qui sera abordée prochainement au Parlement européen.
Toutes ces mesures seront plus efficaces pour créer les conditions nécessaires à une économie – ou plutôt une écologie – de la culture à l’ère numérique, que les tentatives répétées de criminalisation des internautes et leur mise sous surveillance.
Informatique déloyale
Question 4.h : De plus en plus, l’abandon du contrôle de son ordinateur personnel, et notamment de son droit au contrôle de l’accès à ses données personnelles, devient un pré-requis pour pouvoir accéder à des données numériques protégées par le droit d’auteur. Un tel principe est-il selon vous acceptable et quelle doit être la réponse du législateur face à cette « tendance du marché » ?
DV2007 : Les mesures techniques de contrôle nouvelle génération utilisent des technologies qui présentent des risques très importants, notamment pour le respect de la vie privée des utilisateurs. Cette « informatique de confiance » est une vraie « informatique déloyale » qui, en verrouillant tous les systèmes d’information et en passant le contrôle de l’utilisateur au producteur de contenu, met en péril les libertés fondamentales de chaque utilisateur d’ordinateur, et donc de chaque citoyen.
Je ne partage pas cette vision de la société et de la réalité et je suis favorable à l’interdiction pure et simple de ces dispositifs. Ou à minima, le législateur doit permettre au citoyen constatant une violation de sa vie privée de saisir une juridiction pour sanctionner.
Cahier 5 : Consommation
Vente liée ordinateur/logiciels
Question 5.a : Pensez-vous que le consommateur devrait pouvoir payer uniquement le prix de son ordinateur s’il le désire lors de l’achat, au lieu de payer le lot ordinateur/logiciels et de devoir ensuite demander le remboursement des logiciels auprès du constructeur ? Si oui, quels moyens doivent être mis en œuvre pour que ce principe devienne réalité ?
Le consommateur choisit son ordinateur en fonction de ses capacités matérielles en fonction de l’usage qu’il veut en faire. Le choix ne porte pas sur le système d’exploitation et les logiciels, tout simplement parce qu’en général il n’a aucun choix. Ce choix, il voudrait pourtant l’avoir comme l’a montré en 2007 une étude du Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de vie. La raison pour laquelle ne lui sont pas proposés d’autres logiciels est que survivent, entre les constructeurs et les gros éditeurs de logiciel (Microsoft et Apple notamment), des accords commerciaux qui faussent manifestement la concurrence au détriment de logiciels plus respectueux de l’utilisateur, notamment des logiciels libres.
Pour faire évoluer cette situation, on ne peut évidemment pas se satisfaire de la situation actuelle où le consommateur est d’abord obligé de payer le logiciel et sollicite ensuite le « remboursement » d’une somme qu’on ne lui a même pas indiquée à l’achat ! Il faut au contraire faire en sorte d’une part que le consommateur qui utilise d’autres logiciels ne soit pas forcé de payer les logiciels choisis par le constructeur, d’autre part que les autres consommateurs soient conscients du prix auquel ils payent les logiciels qu’ils utilisent.
Question 5.b : Êtes-vous favorable à l’instauration d’une obligation d’optionnalité, consistant en la possibilité systématique pour l’acquéreur, qu’il soit professionnel ou consommateur, de choisir un ordinateur avec ou sans logiciels pré-installés activés ?
Pour que le consommateur ou le professionnel qui acquiert un ordinateur ait le choix de ses logiciels, il faut que lorsque l’ordinateur est fourni avec un système d’exploitation et d’autres logiciels pré-chargés dans sa mémoire de masse, l’acheteur puisse choisir, au moment de l’achat, de ne pas acquérir la licence d’utilisation de ces logiciels. Si tel est son choix, le logiciel prévu par le constructeur ne sera jamais véritablement installé, il restera compacté et inutilisable et pourra être supprimé par l’acheteur lorsqu’il installera les logiciels de son choix. Pour les acheteurs qui souhaitent utiliser les logiciels pré-chargés, rien n’est chargé : au premier démarrage, dès lors qu’ils ont accepté les termes de la licence, l’installation proprement dite s’opère et le logiciel est bientôt utilisable.
Ce choix laissé à l’acheteur est en réalité déjà implémenté d’un point de vue technique. Il reste à ce que les pouvoir publics forcent les professionnels du secteur à le mettre en oeuvre commercialement pour tous les ordinateurs quelle que soit leur forme : tour, portable, netbook, smartphone, tablette, voire télévision connectée.
Une autre possibilité serait que les appareils soient obligatoirement vendus sans logiciels pré-chargés, les logiciels étant alors vendus séparément (sur un support amovible ou en téléchargement).
Question 5.c: Pensez-vous que la DGCCRF devrait sanctionner les distributeurs d’ordinateurs qui n’affichent pas le prix des logiciels séparément du prix de l’ordinateur ?
Cette obligation d’affichage et d’optionnalité va de soi, pour les raisons indiquées plus haut. Mais elles résultent en outre de la loi et de la jurisprudence. J’admire les consommateurs (plus de 30 en France) qui sont allés au tribunal pour obtenir gain de cause et pour faire évoluer la situation en l’absence de décision du pouvoir politique alors que les associations attiraient l’attention sur cette question. Régulièrement depuis plus de dix ans, les décideurs politiques ont refusé de prendre leurs responsabilités sur cette question, parfois même en se contredisant (député ou secrétaire d’État, Luc Chatel n’a pas le même avis !). Plusieurs fois, les décideurs ont explicitement laissé à la justice le soin de trancher cette question qui est pourtant politique. Aujourd’hui, les décisions de justice sont de plus en plus claires. Par exemple, un jugement rendu récemment à Saint Denis à l’encontre de Samsung dit qu’exiger du consommateur le paiement d’un logiciel qu’il ne souhaite pas constitue une vente forcée, donc une pratique commerciale déloyale en toutes circonstances selon le droit français et européen.
Sans tarder, il faut que le gouvernement prenne acte du fait que cette question ne fait plus débat. Par exemple via la DGCCRF et en lui donnant les moyens adéquats, il doit imposer aux constructeurs et aux distributeurs l’affichage séparé du prix des logiciels et leur optionnalité pour le consommateur.
Recours collectif
Question 5.d : Êtes-vous favorable à l’instauration d’un dispositif comparable au recours collectif décrit dans la proposition de loi n°3055 du 26 juillet 2006 ?
DV2007 : Je me méfie des révolutions judiciaires de ce type. Il est légitime et important de rechercher à faciliter les actions collectives d’usagers, lorsqu’ils subissent des préjudices semblables de la part d’une même entreprise, et c’est l’exemple des OGM qui me vient immédiatement à l’esprit.
Mais les dérives du système en cours aux États-Unis doivent nous inciter à bien évaluer avec les associations de consommateurs le type de procédures souples et utiles qu’il faut mettre en place, je ne pense pas que cela consiste en un copié-collé de ce qui se pratique outre-Atlantique. Je soutiendrai donc l’instauration d’un véritable recours collectif qui protégerait notre système judiciaire contre les dérives observées aux États-Unis. Une telle loi devrait s’inspirer de dispositifs déjà retenus par le Canada et le Portugal.
Cahier 6 : éducation
La formation est au cœur de la transition écologique, comme de la transformation numérique. C’est pourquoi dès la formation initiale elle doit prendre une part croissante dans l’enseignement. Cela passe dans de nombreux aspects de la scolarité, par l’aisance dans l’usage des outils et des ressources, par l’expérience collective de méthodes de travail coopératif, par la publication, mais également par une appréhension revisitée du statut de l’erreur non comme sanction mais comme cheminement vers une solution. Au-delà, il importe que les élèves puissent dépasser le statut de consommateurs avertis du numérique pour pouvoir en devenir acteur. Cela n’arrivera que par une réelle culture informatique, une connaissance des logiques au cœur du fonctionnement des machines et des logiciels, ainsi qu’une réelle appréhension des enjeux des libertés numériques et des transformations à l’œuvre dans nos sociétés.
Enseignement de l’informatique
Niveau Lycée
Question 6.a : L’école doit former le futur citoyen à la société du XXIe siècle. Cette formation indispensable doit être fondée sur des concepts, et non des recettes, permettant de former des utilisateurs intelligents et non presse-boutons. L’approche actuelle, celle du Brevet informatique et internet (B2i), ne permet pas cela. Quelle est votre position à ce sujet ?
Le B2I, tel qu’il est actuellement conçu, est sensé former les collégiens à l’usage de logiciels, l’objectif initial étant une réduction de la fracture numérique. Il aborde très superficiellement les usages collaboratifs. Comme la plupart des enseignements scolaires, les élèves restent en « concurrence » les uns avec les autres. Pire que cela, l’internet y est diabolisé, présenté principalement comme une source de risques pour l’intégrité des données ou la vie privée. EELV propose qu’une modification profonde de cet enseignement soit mise en oeuvre et qu’au-delà des risques potentiels du net, y soient présenté aux collégiens le potentiel qu’offrent le partage de données et le travail collaboratif, tout en conservant et en améliorant l’enseignement de l’utilisation des ordinateurs et des logiciels.
Question 6.b : Quelle est votre position sur la matière « Informatique et sciences du numérique », actuellement enseignement de spécialité optionnel en Terminale scientifique à la rentrée 2012 ? Êtes-vous favorable à ce qu’il devienne un enseignement obligatoire en TS puis en Première ? Êtes-vous favorable à son extension aux séries ES et L en Terminale, en tant qu’option puis comme enseignement obligatoire ? Puis en Première ? Êtes-vous favorable à un enseignement de l’informatique pour tous en classe de Seconde ?
Oui à toutes les questions.
Niveau Collège
Question 6.c : Au collège, êtes-vous favorable à un enseignement de l’informatique pour tous, par exemple selon une modalité où l’informatique représenterait de l’ordre de 40 % des contenus de la discipline Technologie (une formation complémentaire en informatique devant être donnée aux enseignants de cette discipline). Êtes-vous favorable à la création d’une option informatique en Quatrième ou en Troisième ? Si oui, quelle forme prendrait-elle ?
Oui, avec une définition claire de ce que devrait être « l’informatique » : en l’occurrence une sensibilisation, non pas à l’outil, mais aux possibilités qu’offrent les usages de l’informatique au travers des réseaux et du partage des savoirs. L’informatique, en tant qu’enseignement « à part », n’a que peu de sens si l’on considère qu’à l’heure actuelle les réseaux sociaux, les communautés open source, les wikis, etc. sont des lieux de mise en commun et diffusion des savoirs et de l’information. il faut former les collégiens à ne plus seulement être consommateurs de savoir mais à être eux-aussi des éléments moteurs de création et de partage.
Question 6.d : Êtes-vous favorable à une révision de l’article L312-6 du Code de l’éducation 3 aux fins de sensibiliser les élèves à une approche de partage des contenus soumis au droit d’auteur dans l’environnement numérique ?
Oui. Le texte actuel dit « Dans le cadre de ces enseignements, les élèves reçoivent une information sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur ou un droit voisin pour la création artistique. » et ne présente pas le partage comme une possibilité de diffusion d’oeuvres non soumises au droit d’auteur, limitant donc la création artistique à une activité rémunératrice et non plus à un mode d’expression destiné à être diffusé et partagé avec le plus grand nombre.
Niveau Écoles primaires
Question 6.e : À l’école primaire, êtes-vous favorable à une initiation à l’informatique pour tous dans une démarche de type « main à la pâte » ?
Oui.
Formation des enseignants
Question 6.f : Êtes-vous favorable à la création d’une agrégation et d’un capes d’informatique, à l’instar de ce qui se fait pour les autres disciplines ?
Cette question fait encore l’objet de débats au sein d’EELV, même si l’évolution de la place de l’informatique dans l’enseignement tend à laisser penser que cela pourrait devenir nécessaire.
Logiciels et contenus libres dans l’Éducation
Question 6.g : Êtes-vous favorable à la généralisation des logiciels libres sur les postes à disposition des élèves et enseignants ?
Oui.
Question 6.h : Comptez-vous développer les ressources pédagogiques libres et inciter les personnels de l’Éducation nationale à diffuser leurs travaux sous une licence libre ? Si oui, comment ?
Le logiciel libre et les ressources libres, étant en phase avec les missions du système éducation, il faut favoriser leur développement mais également celui des ressources pédagogiques libres, de qualité, produites par les enseignants dans des démarches coopératives.
Exception pédagogique
Question 6.i : Quelle est votre position sur la mise en place d’une exception pédagogique dans le système juridique du droit d’auteur, à savoir l’utilisation sans limites des ressources à des fins pédagogiques et non commerciales ? Comptez-vous, par exemple, instaurer un cadre législatif analogue à celui du »fair use » (« usage loyal ») ?
La notion de « fair dealing » du droit Canadien plutôt que de « fair use » du droit Américain est à privilégier. Plutôt que de définir une liste d’usages relevant de la loi (tout usage non cité devenant illégal), il serait préférable de définir des modalités d’usages tels que la nature, l’espace de l’usage (l’ampleur) et le but de l’utilisation. Ceci permettant d’anticiper des usages liés à des technologies ou des modes de vie non encore connus du législateur. Tout usage d’une ressource respectant le cadre du « fair dealing » étant ainsi légal par définition.
Cahier 7 : e-administration
Question 7.a : Pensez-vous qu’il faut imposer aux administrations, collectivités territoriales et établissements publics l’utilisation, dans la mesure du possible, des standards ouverts ?
DV2007 : Les Verts ont été le premier parti à adopter une motion, (http://www.apitux.org/index.php?2006/07/07/130-le-parlement-des-verts-vote-une-motion-destinee-a-developper-lutilisation-des-standards-ouverts-et-des-logiciels-libres), préconisant tant en interne que dans les collectivités locales l’usage des standard ouverts et des logiciels libres.
Dans l’esprit de la déclaration d’Autrans (http://autrans.crao.net/index.php/DeclarationFinale), la France doit ouvrir ses données produites par la puissance publique (état, collectivités, services publics …) à l’accès public : données géographiques, données INSEE, rapports d’études, ressources du patrimoine historique et culturel …
Nous proposons, au travers d’un texte de loi, l’adoption progressive, mais avec un calendrier des licences de contenus facilitant la réutilisation, des standards ouverts de documents et des logiciels libres. C’est à la fois un moyen d’élargir les biens communs, de faciliter l’accès aux informations et d’investir dans les services plutôt que dans les redevances.
Question 7.b : Pensez-vous qu’il doit être fait obligation aux pouvoirs publics de justifier du choix d’un format fermé ?
Oui.
Question 7.c : Pensez-vous qu’il faut imposer aux administrations, collectivités territoriales et établissements publics l’utilisation, dans la mesure du possible, de logiciels libres ?
Oui.
Question 7.d : Pensez-vous que les règles de la commande publique devraient être modifiées pour demander par défaut du logiciel libre et des standards ouverts ?
Oui.
Question 7.e : Comment comptez-vous faire appliquer l’article 6 du Code des marchés publics qui interdit d’exiger une marque ou une technologie particulière pour les marchés de fourniture ?
Les administrations et collectivités doivent être sensibilisées aux solutions innovantes dont elles se privent et à l’insécurité juridique à laquelle elles se risquent en ne respectant pas le Code des marchés publics. Cela peut être le fait d’initiatives citoyennes comme celle du CNLL et de l’APRIL, comme de recommandations internes adressées aux acheteurs par l’Etat et les collectivités publiques elles-mêmes.
Question 7.f : Pensez-vous que le décret relatif au Référentiel général d’interopérabilité (RGI) doit être modifié ? Comment comptez-vous le modifier ?
L’introduction d’OOXML comme standard reconnu par le RGI (par l’intervention directe du Premier Ministre sous la pression de Microsoft) l’a rendu inopérant. Il doit être retiré.
Par ailleurs, nous souhaitons que le RGI devienne contraignant, et non pas seulement un ensemble de recommandations.
Question 7.g : Pensez-vous que l’ouverture des données publiques (Open Data) doit être réalisée par le seul usage de formats ouverts ? Si oui, comment comptez-vous assurer le respect des formats ouverts pour tous les documents de l’administration ?
Il s’agit là d’un objectif souhaitable et réalisable à court ou moyen terme.
L’application du RGI y mènera mais, dans l’attente, des solutions de conversion des données en formats ouverts peuvent être systématisées pour généraliser la publication en formats ouverts, ce qui est loin d’être le cas actuellement
Cahier 8 : accessibilité
Subvention publique de logiciels privateurs au détriment de l’accessibilité pour tous
Question 8.a : Êtes-vous favorable au financement public via les MDPH de technologies d’assistance libres et de mises à jour d’outils libres, afin de fournir une alternative à certains logiciels et permettre de faire émerger une concurrence ?
Tout à fait. De la même manière que nous souhaitons que toute production de données financée par l’Etat, les Collectivités locales ou leurs services soit publiée de façon ouverte, les financements de logiciels par les MDPH doivent permettre de façon prioritaire le financement de logiciels libres. Dans une optique de long terme, cela répond par ailleurs à une logique de saine gestion des ressources publiques. Au-delà, ces développement devraient être envisagés dans une dimension européenne et mondiale
Question 8.b : Comment remédieriez-vous au problème du manque d’informations concernant les solutions libres alternatives aux technologies d’assistance privatrices, tant auprès des collectivités que des utilisateurs ?
La réorientation vers des solutions libres tient avant tout à une volonté politique forte. Un effort particulier de formation et d’information devra être fait en direction des utilisateurs, des aidants, comme des différents prescripteurs.
Question 8.c : Alors que la politique de financement des aides aux personnes handicapées est départementalisée, pensez- vous que des orientations nationales pour économiser l’argent public et favoriser l’accessibilité pour tous doivent être données ? Si oui, pensez-vous qu’il faille encourager le déploiement de technologies d’assistance libres ?
Oui. Loin d’une volonté centralisatrice, il s’agit là d’encourager la mise en réseau des différentes structures.
Accessibilité et droit d’auteur
Question 8.d : Pensez-vous qu’un propriétaire de site web doive être condamné pour atteinte au droit d’auteur si les modifications qu’il fait servent à rendre son contenu accessible aux personnes en situation de handicap ?
Non. Cela défie le sens commun.
Question 8.e : Êtes-vous favorable à une exception au droit d’auteur en faveur de la mise en accessibilité des contenus numériques permettant aux personnes détentrices des droits de diffusion des œuvres de rendre ces contenus accessibles ?
Oui. Cette situation ubuesque montre à l’évidence l’importance de réinterroger les modalités des droits d’auteurs à l’ère numérique plutôt que de contraindre les usages pour les respecter tels qu’ils furent établis à une autre époque.
Accessibilité numérique, une volonté politique
Question 8.f : Êtes-vous favorable à une loi rendant obligatoire l’accessibilité numérique pour le secteur privé ?
Oui.
Question 8.g : Quels moyens donneriez-vous pour rendre effective l’accessibilité numérique dans le secteur public ?
« L’application pleine et entière de la loi de 2005 » est réaffirmée comme principe dans notre programme. Il ne s’agit pas pour nous d’un simple affichage, mais d’une volonté politique que démontrent régulièrement nos élus dans leurs mandats.
Question 8.h : Comment feriez-vous pour sensibiliser les différents acteurs du numérique, publics et privés, à l’accessibilité numérique ?
Il ne semble plus que la simple sensibilisation suffise, c’est pourquoi nous préconisons la stricte application de la loi, et son extension au secteur privé.
Référentiel général d’accessibilité pour les administrations
Question 8.i : Pensez-vous que le RGAA nécessite une diffusion large ? Si oui, êtes-vous favorable à des conditions d’utilisation permettant une utilisation commerciale ? Sur Internet, êtes-vous favorable à la diffusion de liens pointant vers le site officiel consacré au RGAA ?
Comme document public, la RGAA a vocation a être librement et pleinement accessible à tous, dans le cadre de l’Open-data. Il est particulièrement paradoxal qu’un document visant à l’accessibilité ne puisse être accessible. Tout ce qui pourra être fait pour le diffuser et le faire connaître devra l’être.
Question 8.j : Pensez-vous que l’obligation d’écrire un message électronique au webmestre du site de la DGME lorsqu’on souhaite faire un lien vers le RGAA incite à sa diffusion ? Si non, êtes-vous favorable à la suppression de cette obligation ?
Bien entendu.
Question 8.k : Êtes-vous favorable à une mise à jour régulière du RGAA pour permettre une application en conformité avec les évolutions technologiques et la référence internationale qui elle-même évolue ? Si oui, quelle procédure mettriez-vous en place pour assurer cette mise à jour ?
Oui. Ce document est une ressource précieuse qui doit être mise à jour le plus régulièrement possible pour devenir une réelle référence efficiente, au-delà de son application aux administrations. L’implication d’associations et de citoyens dans sa mise à jour doit être envisagée afin de lui donner la plus grande ampleur.
Question 8.l : Quelle procédure et quels moyens mettriez-vous en œuvre pour une mise en application effective du RGAA ?
Au même titre que le RGI, il sera envisagé de rendre le RGAA contraignant, avec la définition d’un calendrier et de points d’étapes.
Cahier 9 : économie, entreprises,innovation
Économie du Logiciel Libre
Question 9.a : Êtes-vous favorable à la mise en place d’un Small Business Act pour les entreprises innovantes ?
Oui. Il importe de redéfinir un environnement légal stable à l’ère du numérique, qui ne soit pas porté par la seule défense des intérêts de quelques multinationales, mais permette l’émergence d’un tissu d’entreprises et d’organisations de toutes sortes favorable à l’innovation, à la création, à la transformation numérique.
Dès aujourd’hui, des mesures fortes et concrètes doivent être prises pour aller dans ce sens, notamment en direction des TPE-PME. Il n’est pas simplement question de favoriser un secteur de pointe parmi les plus grands contributeurs à la dynamique de notre économie, mais de disposer d’un levier de transformation efficace de notre tissu industriel et commercial, et de notre société toute entière.
C’est en ce sens que je propose le “Pacte pour les PME”. Il réorientera le soutien à l’innovation vers les PME, modulera le soutien public pour favoriser les entreprises qui contribuent à la transition écologique, et leur donnera un accès prioritaire aux marchés publics via l’élaboration d’un “Small Business Act” à la française.
Question 9.b : Quelles mesures imaginez-vous pour valoriser le rôle positif du Logiciel Libre dans l’innovation ? Le cas échéant, quels moyens incitatifs mettriez-vous en place pour favoriser son développement et/ou son usage dans les entreprises ?
Pour soutenir fortement l’innovation dans les PME, je propose de réformer le Crédit Impôt Recherche (CIR), qui profite actuellement (dans 70% des cas) aux grands groupes.
Il visera notamment à privilégier des projets écologiquement et socialement pertinents, et reposants sur des standards ouverts et des logiciels libres.
Question 9.c : Quelles mesures souhaitez-vous mettre en place pour combler le déficit de compétences techniques comme juridiques spécialisées dans les Logiciels Libres ?
Nous pensons que la généralisation de l’usage des formats ouverts et des logiciels libres, notamment par l’impulsion de l’Etat, des Collectivités et de leurs services, permettra – et nécessitera – l’émergence de compétences techniques et juridiques spécialisées.
Informatique en nuage (cloud computing)
Question 9.d : Êtes-vous favorable à l’instauration d’une obligation d’usage de standards ouverts et interopérables pour les données de l’ensemble des services de l’informatique en nuage ?
Oui.
Question 9.e : Pensez-vous que tout utilisateur d’un service de l’informatique en nuage est en droit de récupérer ses données contenues sur le service et que toute pratique visant à bloquer cette récupération doit être sanctionnée ? Êtes-vous favorable à l’instauration d’une obligation, pour les fournisseurs de services de l’informatique en nuage, de fournir à tout utilisateur un moyen simple d’obtenir une sauvegarde utilisable au moment et au lieu de leur choix ?
Oui.
Question 9.f : Êtes-vous favorable à l’instauration d’une obligation, pour les fournisseurs de services de l’informatique en nuage, de chiffrer les données de leurs utilisateurs et de leur donner un contrôle exclusif sur ce chiffrement ?
Comme pour les questions précédentes, l’enjeu du développement de l’informatique en nuage tient à la maîtrise de l’utilisateur sur ses données. Pour autant, le chiffrement de ses données devrait pouvoir être proposée de façon standard, sans pour autant l’imposer. Le chiffrement par défaut sous-entend en soi un usage purement privatif des données, sans envisager la notion de libre partage d’informations, ce qui revient à limiter – voire mettre en danger – d’emblée le potentiel de ces nouvelles technologies.
Cahier 10 : Libre accès des publications scientifiques
Question 10.a : Êtes-vous favorable à l’interdiction (à l’échelle nationale ou européenne) de la cession exclusive des droits patrimoniaux sur les publications scientifiques issues de travaux sous financements publics ?
La cession exclusive des droits patrimoniaux revient à faire des articles scientifiques un bien commercial, alors qu’ils ont été financés par la puissance publique avec l’objectif implicite d’être mis à disposition de la communauté scientifique. Cette contradiction ne peut être résolue que par l’interdiction de cette pratique.
Question 10.b : Êtes-vous favorable à l’obligation de mise en libre accès des publications scientifiques issues de travaux sous financements publics, c’est-à-dire que chacun puisse librement les lire, les partager et les réutiliser en tout ou partie ?
Le mouvement de mise en libre accès est amorcé, mais cela relève encore surtout de l’initiative individuelle. Les résultats de travaux entièrement financés sur fonds publics devraient obligatoirement être placés en accès libre. Quant aux travaux en coopération avec des organismes privés, l’engagement d’une mise à disposition du public devrait être un critère important lors de décision de les engager ou non.
Question 10.c : Êtes-vous favorable à la mise en oeuvre d’une plateforme libre d’hébergement des travaux financés par les deniers publics ?
Mettre en oeuvre une telle plate-forme serait un premier pas. Elle existe d’ailleurs en partie sous la forme de HAL (http://hal.archives-ouvertes.fr/ ). Toutefois, un simple hébergement ne permet pas de garantir la qualité des travaux déposés. A terme, l’ambition consiste à faire émerger de véritables journaux scientifiques gratuits, dont le système de revue par les pairs serait pris en charge par la puissance publique.
Logiciels libres dans la recherche
Question 10.d : Êtes-vous favorable à la reconnaissance, dans l’évaluation des chercheurs, du travail de mise à disposition des logiciels de recherche sous licence libre ?
Il faut tout d’abord noter que la question de l’évaluation est complexe, d’autant plus qu’elle a été, ces dernières années, marquée par de graves dérives : analyse de plus en plus quantitative du travail de recherche (outils bibliométriques notamment), utilisation dans un but de classement voire de sanction, etc. Supprimer l’AERES et refonder l’évaluation en concertation avec les scientifiques fait partie de nos premiers objectifs de 2012 en matière de recherche et d’enseignement supérieur. Ce préalable posé, il est évident que le travail sur des logiciels libres est à la fois une production de connaissance et un outil mis à la disposition de la communauté. Il serait donc naturel qu’il soit explicitement pris en compte lors du processus d’évaluation. Une approche qualitative et collégiale de l’évaluation permet précisément de mieux apprécier ce type de contribution que le recours aveugle à la bibliométrie qui fait aujourd’hui référence.
Question 10.e : Êtes-vous favorable à la mention d’un critère relatif au recours aux logiciels libres pour la sélection des projets en R&D candidats à un financement public ?
Oui.
Ouverture des données scientifiques
Question 10.f : Êtes-vous favorable à l’ouverture des données scientifiques en France ?
L’ouverture des données scientifiques permet une dissémination plus rapide et vers un public très large. C’est donc à la fois une aide à la pluridisciplinarité et un outil indispensable à la participation citoyenne en matière de recherche. Cette ouverture doit être accompagnée de la mise à disposition d’outils de tri et de recensement adaptés.
Question 10.g : Pensez-vous que l’ouverture des données scientifiques doive être activement encouragée et valorisée comme production scientifique (au même titre que les publications) ?
Dans la mesure où la mise à disposition des données deviendra une mission explicite des chercheurs, sa réalisation devra trouver sa place parmi les critères d’appréciation des personnels scientifiques.